Avant de commencer l’étude de la Chanson de Roland, je propose de revoir les bases du vocabulaire couramment utilisé pour parler de poésie.
La chanson de Roland est une chanson de geste.
Une chanson de geste est un long poème en vers, inventé par des trouvères ou des troubadours. Ils y racontent les exploits guerriers de chevaliers*, de seigneurs* et de rois*. Il s’agit d’histoires héroïques, destinées à être partagées à l’oral. (On se souvient que les livres sont rares et chers, et que peu de personnes savent lire).
*Un chevalier est un soldat qui fait la guerre à cheval, pour un roi ou un seigneur. Les chevaliers sont des nobles. C’est un rang prestigieux dans l’armée.
*Un seigneur possède un château et des terres (une petite zone de territoire), qui sont défendus par les chevaliers.
*Le roi est le chef de tous les seigneurs de son royaume.
La première version écrite date du début du XIIe siècle (aux environs des années 1100)
Elle est écrite dans un français très ancien, qu’il est presque impossible de lire aujourd’hui.
Sur quel support est écrit le manuscrit d’Oxford ?
Le texte est écrit sur un support de parchemin (=peau d’animal).
Arrivez-vous à lire des mots dans ce texte ?
Non, c’est très difficile. En revanche, on distingue bien trois lettrines dans ce texte : C, L et B.
Voici une transcription plus lisible du texte original et sa traduction, en français contemporain.
Lequel de ces deux textes est en ancien français et lequel est en français contemporain (=d’aujourd’hui) ?
Le texte de gauche est écrit en ancien français et le texte de droite est sa traduction, en français actuel.
Arrivez-vous à lire le texte en ancien français ?
Non, c’est très difficile. Cela ressemble à une autre langue !
Comparez le premier vers de chacun des deux textes. Qu’est-ce qui est semblable ? Qu’est-ce qui est différent ?
Carles = Charles
reis = roi
nostre = notre
emperere = empereur
magnes = le Grand (magnus en latin veut dire « très grand. On le retrouve dans le mot français « magnifique », par exemple)
Quand on compare les vers des deux textes, on retrouve les racines du latin et de l’ancien français, dans le français qu’on parle aujourd’hui.
On note aussi que l’orthographe de certains mots a évolué avec le temps. Par exemple, dans le vers 4, le pronom « qui » s’écrivait « ki » il y a mille ans !
En vous aidant de ces transcriptions, et reprenant le texte original du manuscrit d’Oxford (photographie précédente), parvenez-vous a lire certains mots sur le parchemin d’origine ?
Au premier vers, on lit « Carles » et on devine le début de « emperere », mais la lecture n’est toujours pas facile !
L’histoire de la Chanson de Roland
C’est une histoire qui date de l’époque de Charlemagne, un grand roi des Francs (=de la future France), qui vivait au VIIIe siècle.
Au début de l’histoire, Charlemagne est en Espagne et fait la guerre aux Sarrasins. Les Sarrasins sont musulmans (Islam) mais Charlemagne est catholique (Jésus). C’est donc une guerre de religion : Charlemagne veut forcer les Sarrasins à changer de religion et à devenir catholiques.
Après sept ans de guerre, tout le monde est fatigué. Charlemagne propose d’arrêter la guerre et de quitter l’Espagne avec son armée. Mais il a une condition : les habitants de la grande ville de Saragosse, en Espagne, doivent devenir catholiques.
Charlemagne demande à Ganelon, l’un de ses grands seigneurs, d’aller voir le roi de Saragosse, pour discuter de cette proposition. Mais Ganelon va trahir (=tromper) Charlemagne. Au lieu de discuter de la paix, il recommande aux Sarrasins d’attaquer l’armée des Francs.
C’est l’arrière de l’armée qui est attaquée, à Roncevaux. Cette partie de l’armée est dirigée par Roland, le neveu de Charlemagne, et Olivier, le meilleur ami de Roland. Roland et Olivier sont deux chevaliers très courageux. Par ailleurs, Roland est très fier. Jusqu’au bout, il veut essayer de combattre seul, sans demander d’aide à l’autre partie de l’armée, où se trouve Charlemagne.
Malheureusement, les Sarrasins sont trop nombreux. Olivier, Roland et leur armée combattent héroïquement. Roland finit par appeler à l’aide en sonnant l’olifant (une sorte de cor ou de trompette). Mais c’est trop tard. Dans une scène très connue, Roland essaye de casser son épée pour qu’elle ne puisse pas servir aux musulmans. Il meurt juste ensuite, de même qu’Olivier et tous leurs soldats.
Charlemagne n’arrivera pas à temps pour les aider ou les sauver. Plus tard, Charlemagne se vengera en Espagne et il punira Ganelon.
Les motifs importants de la chanson de geste
L’héroïsme et les exploits extraordinaires : Olivier et Roland se battent avec beaucoup de courage. (L’armée des Sarrasins est vingt fois plus nombreuse !)
La religion : l’armée des Francs combat pour diffuser (=exporter) la religion catholique. L’héroïsme de Roland et Olivier s’explique parce que Dieu (=le dieu des catholiques) leur donne des forces.
Le nationalisme : Roland et Olivier se battent pour défendre leur pays.
La fidélité / la loyauté : Les deux chevaliers ne reculent devant rien, pas même devant la mort, pour défendre leur armée et leurs compagnons. Les grandes qualités morales des héros sont au cœur de la chanson de geste.
Un récit qui reprend des thèmes importants de l’époque
Tous ces motifs sont là pour répondre aux goûts et aux préoccupations de l’époque où a été composée la Chanson de Roland :
L’héroïsme de la chevalerie : les chevaliers brillent par leur courage, leur noblesse et leurs exploits extraordinaires. Ce sont d’abord ces histoires exceptionnelles et uniques que veulent entendre les spectateurs !
Les Croisades débutent à la fin du XIe siècle. (Les croisades sont une guerre de religion menée par les catholiques, contre les musulmans, sur le territoire qui correspond aujourd’hui à l’Israël.) Au moment où est écrite La Chanson de Roland, les guerres religieuses contre les musulmans sont donc encore des questions d’actualité.
Le combat pour son pays : à l’heure ou le Royaume de France a des difficultés à rester unifié et à combattre les attaques d’ennemis extérieurs, la Chanson de Roland reflète un désir de montrer un peuple français solidaire.
La prépondérance de la religion et de l’église catholique : à cette époque en France, presque tout le monde est catholique. (On n’a pas vraiment le choix, en réalité.) L’église catholique, tout autant que le roi, dirige le pays et les institutions. Dieu (=le dieu des catholiques) est donc partout dans la vie quotidienne. Il n’est pas étonnant de le retrouver en bonne place dans la littérature.
Attention, le récit de la Chanson de Roland ne correspond pas à la réalité historique
L’histoire a changé, pour devenir plus héroïque et pour porter un message plus fort.
Au cours la véritable bataille de Roncevaux, l’armée de Charlemagne a en réalité été attaquée par des Basques, un petit peuple qui habitait dans les montagnes proches de l’Espagne. Et ils n’étaient pas du tout musulmans.
D’ailleurs ce combat a sans doute été une petite bataille, qui a été peu connue à l’époque. C’est quatre siècles plus tard, avec l’enthousiasme religieux et guerrier des Croisades, que l’on s’est souvenu de cet épisode historique et que l’on l’a transformé, pour devenir une aventure héroïque !
Étude d’un vitrail représentant Roland, durant la bataille de Roncevaux
Un vitrail, c’est un dessin représenté dans du verre de couleur. Les vitraux remplacent généralement le verre des fenêtres.
Dans cette représentation, on peut identifier trois scènes de la bataille de Roncevaux. Quelles sont ces scènes ?
En haut à gauche, Roland frappe son épée sur un rocher, pour essayer de la casser, afin que les Sarrasins ne puissent pas la prendre.
De l’autre côté, en haut à droite, Roland sonne l’Olifant pour appeler Charlemagne à l’aide.
En bas, on voit les morts de l’armée, après la bataille de Roncevaux.
Qui sont les personnages représentés debout ?
C’est Roland qui est représenté deux fois debout, car en réalité, il y a plusieurs scènes sur ce vitrail.
Qui sont les personnages représentés couchés ?
Ce sont les soldats de l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne, morts à la bataille de Roncevaux.
A votre avis, pourquoi y a-t-il une main en haut du vitrail ? Que représente-t-elle ?
La main représente la main de Dieu (catholique). Cette main montre qu’après être mort, Roland va aller rejoindre Dieu dans le ciel. Cette représentation de Dieu n’est pas surprenante, car ce vitrail se trouve dans une église.
Roland tente de briser son épée
X
“Roland frappe sur une roche* bise ;
Il en abat plus que je ne saurais dire;
L’épée grince, mais ne s’ébrèche ni se brise*, Rebondissant en l’air.
Quand le comte voit qu’il ne la brisera pas,
Il la plaint bien tendrement en se parlant à lui-même :
Ah, Durandal, comme tu es bonne et sainte !
Dans ton pommeau d’or sont de nombreuses reliques,
Une dent de saint Pierre, du sang de saint Basile,
Des cheveux de monseigneur saint Denis,
Du vêtement de sainte Marie;
II n’est pas juste que des païens te possèdent, C’est de chrétiens que tu dois être honorée.
Que de vastes terres avec toi j’aurais conquises,
Que tient Charles, qui a la barbe fleurie ! L’empereur est puissant et riche.
Ne soit jamais l’épée d’un couard !
Que Dieu ne permette pas à la France telle honte !”
roche = rocher
se briser = se casser // briser = casser
plaindre = dire sa tristesse
conquérir = gagner par la bataille
Quelle est l’action principale de cette scène ?
Dans cette scène, Roland frappe son épée sur un rocher. Il essaye de la casser pour qu’elle ne tombe pas entre les mains des Sarrasins : « Roland frappe sur une roche bise ; »
Est-ce que Roland parvient à casser son épée ?
Non, l’épée de Roland ne se casse pas : « L’épée grince, mais ne s’ébrèche ni se brise*, »
Comment Roland appelle-t-il son épée ?
Roland appelle son épée « Durandal ».
Pourquoi le passage pendant lequel le roman parle avec son épée est-il émouvant (= il crée l’émotion chez le lecteur) ?
Roland parle à son épée comme on parle à un ami. Il tutoie son épée et il se souvient de ses qualités : « Ah, Durandal, comme tu es bonne et sainte ! ».
Ensuite, Rolande se souvient des aventures qu’il a vécues avec Durandal : « Que de vastes terres avec toi j’aurais conquises, ». Et il finit en lui faisant des recommandations : « Ne soit jamais l’épée d’un couard ! »
Ce texte est très émouvant car il monte la relation privilégiée, une relation amicale et forte, qui existait entre Roland et son épée.
La fin de Roland
XI
“Roland sent que la mort l’entreprend,
Et dans la tête et le coeur lui descend.
Dessous un pin il va courant
Et sur l’herbe verte s’allonge,
Plaçant sous lui épée et olifant,
Et regardant vers la grande Espagne;
Ainsi fait-il parce qu’il veut que Charlemagne Et tous ses soldats de son armée
Disent que le noble comte est mort en conquérant.
Il bat sa coulpe de tous ses péchés,
Et pour leur rémission, offre à Dieu son gant.“
Roland sent qu’il va mourir très bientôt. Quels sont les deux derniers gestes symboliques qu’il fait ?
Roland se couche sur son épée et sur son olifant : « Plaçant sous lui épée et olifant, », puis il se couche, en regardant en direction de l’Espagne : « Et regardant vers la grande Espagne ; »
Pourquoi ces deux gestes symboliques, de la part de Roland ?
Comme on l’a vu dans le paragraphe précédent, Roland ne veut pas que son épée Durandal soit utilisée par les Sarrasins. Symboliquement, il la cache sur son corps pour la protéger de l’ennemi.
D’autre part, il veut mourir en regardant l’Espagne, pour ne pas tourner le dos à son ennemi. Il veut montrer son courage : « Ainsi fait-il parce qu’il veut que Charlemagne Et tous ses soldats de son armée, Disent que le noble comte est mort en conquérant. »
A la relecture de ces deux paragraphes, à qui vont les dernières pensées de Roland, juste avant de mourir ?
Avant de mourir, les dernières pensées de Roland vont à son épée Durandal, à ses compagnons de bataille, à la France, à son Roi puis à Dieu. On retrouve la les principaux motifs récurrents de la chanson de geste : le courage, la bravoure et la loyauté du chevalier, mais aussi, l’amour de son pays et pour Dieu.